L’arcane du papillon : passage du Rhin à l’Ill

PP 2-3 Images extraites de l’installation vidéos «  L’arcane du papillon » 1996

à l’origine de la recherche sur la notion de « génie du port du Rhin » à Strasbourg. Deux longues séquences d’images, deux errances solitaires, où la narration devient indécise, mais où l’image défile produisant un étirement du temps, comme une quête qui n’en finit pas d’aboutir.

Première étape : terre et eau se partagent l’écran pour un défilement d’images questionnant l’espace et le temps. La part terre ouvre un espace minéral changeant  : galets et graviers naturels du Rhin, pépites déversées par le fleuve, herbes courbées par le vent, pavage régulier de grès rose, porphyre bleu, masses en béton marquant la frontière de l’espace portuaire, espace soumis aux caprices de l’activité des hommes :

éclats de bois, perles noires macadam, grains de blé, de maïs, boulettes de charbon, écorces, graviers abandonnés.  La part eau, forme la lisière du fleuve raconté par les remous des eaux aux passages des péniches venant lécher le gravier, eaux aux couleurs chaudes et transparences, ou aux irisations colorées paradisiaques des résidus de graisse. S’y ajoute des motifs en reflets : grues des chantiers, flash éclatant du soleil (étoile pour le voyageur), rouille et noir des coques de navires…

Certains passages offrent l’illusion de deux espaces juxtaposés qui glissent artificiellement l’un sur l’autre.

Seconde étape : un voyage au cœur d’un bâtiment industriel « le Rhin », (aujourd’hui détruit), caves, escaliers, greniers se succèdent. L’étrange traversée d’une cave inondée nous plonge dans un univers hors de tous repère spatio-temporel et ouvre la porte au mystère.

On traverse un étrange miroir, éclairé d’or et d’argent, on parcours des espaces entre ombres et pénombres jusqu’à la révélation ,au centre, dans  l’obscurité, de la présence d’une île d’un vert puissant, étonnant en ce lieu et créé par un fragile rayon oblique de lumière naturelle.

Puis montées et descentes d’escaliers se succèdent, des couloirs étroits s’ouvrent au fur et à mesure de la progression dans un silence poussiéreux jusqu’à la réception d’un son étrange mais aigu, la plainte d’un pigeon tentant désespérément de dégager sa patte bloquée dans un sac de grains de blé.

Le paysage qu’il soit d’extérieur ou d’intérieur est ce qui surgit, se révèle au regard pour l’instant d’après, disparaître. Il est le monde de l’instant perpétuellement renouvelé. L’image se pose sur un tumulus d’herbes incroyablement vertes dans l’obscurité, image qui pourrait donner l’idée du repos éternel mais qui est en fait celle de la vie éternellement renouvelée.