Texte Olivier Kaeppelin

Paris, Avril 2004 « Tout l’espace »

Vouloir avec une installation, une sculpture, sculpter tout l’espace non seulement celui que les matériaux mettent en jeu mais celui qu’ils permettent de supposer, de construire avec les sens, la mémoire, l’imaginaire est le dessein de Dominique Kippelen.

Yves Klein en faisant un tableau n’interroge pas seulement la surface de la toile ou de la peinture mais, à travers elle, une relation qui ébranle l’espace tout entier. La dimension abstraite et métaphysique de l’œuvre d’Yves Klein n’est pas semblable à celle des travaux de Dominique Kippelen mais elle nous entraîne cependant, de la même façon, soit à pénétrer un espace miniaturisé, secret, presque imperceptible soit pour “Parparzadan ou les anges du roi”, à répondre à un élargissement, une expansion du lieu de l’expérience esthétique.

Grâce à la réflexion, à l’émotion ou encore à la dimension virtuelle de son travail, elle nous invite depuis le colombier qu’elle a créé, à deviner le paysage derrière un voile puis à observer au-dessus de nous, sur un sol opalescent, la présence des pigeons voyageurs avant que d’imaginer leur vol, porteur d’un message que nous pouvons écrire, dans ce lieu, pour un hypothétique destinataire.

Par ce dispositif, Dominique Kippelen, intègre à sa sculpture, faite d’architecture et de présence animale, un paysage traversé par l’indiscernable volume de l’air, l’aléa du voyage, l’énergie du désir et l’immense bibliothèque des langues. Depuis cette construction se pressent un paysage mobile, une présence secrète des messagers, des flux de mots qui passent.

Je cherche la vibration d’un temps, d’un ciel que j’imagine changeant avec la pluie et la lumière, le vent ou le froid, où passe la forme de l’oiseau, le bruit de son vol.

Entrant dans cette sculpture, qui suis-je ? Ecrivant quelques phrases sur un papier, que suis-je en train de devenir sur ce promontoire, au bord du vide où est placé “Parparzadan” ? Un être qui espère et qui attend, sédentaire et nomade, un peu piéton un peu oiseau, un être vivant les virtualités de l’espace depuis le lever du soleil jusqu’au profond de la nuit. Sans discours, sans user de paradoxes inutiles – ce qui est rare – cette sculpture donne corps à la forme passionnée du temps, celui de Virginia Woolf, qui court “entre les actes”, celui défini dans la Bible comme un “corps sans corps”, le corps du “go between”, de l’insaisissable messager.,